Deux femmes, Une maladie, Un combat pour leur mobilité professionnelle

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Avoir une voiture, décrocher un emploi, obtenir un logement… Connaître la vie active ! Un cap que tout le monde passe pour atteindre son indépendance et son épanouissement personnel. Mais aujourd’hui, en 2023, les personnes en situation de handicap subissent encore des discriminations, des questionnements sans réponses, un isolement perpétuel et des promesses d’avenir qui restent dans le flou.

Comment grandir face à ça ? Comment montrer aux gens qui nous dévalorisent que nous arrivons à atteindre les mêmes objectifs qu’eux ? Comme prendre confiance en soi ? Comment se dire que nous sommes légitimes de vivre comme les autres ? Comment prendre conscience de nos capacités lorsque les portes que l’on croyait ouvertes restent fermées à jamais ?

Ces portes là, ou plutôt, ces murs, Justine et moi, nous les connaissons bien. Atteintes toutes deux d’une maladie génétique, appelée l’Amyotrophie Spinale Infantile, nous bravons vents et tempêtes contre les barrières de notre vie.

Notre vie a commencé il y a plus de vingt ans. Nous avons dû nous appréhender nous-mêmes, connaître notre maladie et apprendre à la surmonter. Après l’avoir enfin acceptée, voilà que le monde nous offre ses plus beaux obstacles. Des obstacles mis en place par des personnes qui auront sûrement la chance de ne jamais les surmonter.

Dans cet article, Justine et moi allons vous exposer la plus grande problématique à laquelle nous sommes confronter lors du passage au monde adulte : LA MOBILITE.

Il y a mobilité, au sens large, que tout le monde possède : que ce soit dans sa maison, que ce soit pour aller à quelques kilomètres de chez soi, en vacances ou chez le médecin. Et puis, il y a celle de l’emploi.

Axelle, 24 ans, Amyotrophie Spinale Infantile, Type 3Justine, 22 ans, Amyotrophie Spinale Infantile, Type 2
– Un fauteuil électrique pour la vie professionnelle
– Un fauteuil manuel en autonomie à la maison et avec accompagnement lors des sorties
– A connue la marche, force physique limitée, facultés intellectuelles normales
– Parcours scolaire classique
– BAC +3
– En CDI, dans le domaine du tourisme, en collectivité
– Un fauteuil électrique
– N’a jamais connue la marche, peu de force physique, facultés intellectuelles normales
Parcours scolaire classique
– Etudiante en Ecole de Commerce en deuxième année de Master, en alternance en tant qu’acheteuse.

Axelle, des mobilités sans queue, ni têtes

Lorsque j’étais à l’école (collège) puis dans les études supérieures, j’ai pu bénéficier d’un taxi adapté, pris en charge par le Conseil Départemental.

Lorsque je suis arrivée sur le marché du travail, cette aide n’a plus été disponible. Il a fallu que j’anticipe la façon dont j’allais me rendre au travail, ne connaissant pas la destination. Pour ma part, passer le permis et faire les démarches pour avoir une voiture aurait été trop long et le coût trop élevé.

Il faut savoir que L’AGEFIPH peut verser des aides afin de financer les taxis classiques dans le cadre d’un emploi dans le secteur privé. Dans le cadre de la fonction publique, c’est la FIPHFP. Ce système est plus simple car le financement et le lien avec les taxis sont gérés par l’employeur. Dans le cadre de l’AGEFIPH, c’est à vous de faire les démarches.

J’ai tenté de passer un concours dans la fonction publique territoriale que je n’ai pas réussi. Je tiens à souligner que les besoins liés à mon handicap pour passer le concours ont été très bien pris en charge. Mais évidemment, là encore il faut prévoir quelques papiers, notamment un certificat médical, mais les démarches sont très bien expliquées par les référents des CDG.

Je me suis donc résolue à chercher un travail dans le secteur privé. Cependant, pour obtenir les aides de l’AGEFIPH, il faut respecter un certain montant et un secteur. Plus c’est loin, plus c’est cher. Cela a fortement impacté ma recherche d’emploi ainsi que mes ambitions. Je ne pouvais pas aller à plus de vingt minutes de mon domicile afin d’avoir la prise en charge à 100%.

A ce moment là, n’ayant pas de transports en commun adaptés dans mon lieu d’habitation (chez mes parents), avoir ces aides étaient le seul moyen que j’avais pour accéder à l’emploi.

La recherche d’emploi

En parallèle, la recherche d’emploi a été très difficile car je devais aussi trouver un emploi qui pouvait me plaire, mais surtout qui pouvait s’adapter à ma pathologie et qui pouvait m’accueillir. La plupart des structures publiques n’étant pas encore préparées à l’insertion des personnes en fauteuil roulant à l’heure actuelle, et encore moins les pathologies génétiques, cela a fortement impacté mon moral.

Par chance, j’ai fini par trouver un CDD qui respectait les conditions que je recherchais pour débuter ma vie professionnelle. Malheureusement, le plafond d’aides financières de l’AGEFIPH pour mon taxi a été atteint lors de mon embauche en CDI. Sans avoir possibilité de prendre en charge le taxi moi-même (100€ par jour), je me suis donc retrouvée à chercher un autre moyen de venir à mon travail.

La recherche d’un logement

En parallèle pour faciliter ce combat, j’ai donc cherché un logement, sur Leboncoin, où je pouvais être dans un cadre de vie qui pourrait me convenir (bien que je n’ai pas eu le choix) et qui proposait des transports en commun « accessibles », notamment la T2C dans l’agglomération clermontoise. Pendant cette transition, j’ai pu être dépannée sur quelques trajets par ma famille.

Mais la recherche d’un logement n’est pas du tout simple pour les jeunes en règle générale quand on voit le montant des loyers, et en situation de handicap, cela est encore plus difficile car les logements en location adaptés sont très rares voire inexistants ! Il fallait également que mon logement soit à côté d’un arrêt de bus accessible, avec une ligne de bus accessible allant jusqu’à mon lieu de travail.

Voulant habiter avec mon compagnon, nous avons eu énormément de chance puisque nous avons réussi par trouver un appartement où nous le voulions, proche d’un cabinet de kiné et d’une ligne de bus. De ce fait, je n’ai pas eu besoin de trouver une aide à domicile, ni de transports médicaux…

Transports en communs : réellement accessibles ?

J’avais eu connaissance de l’existence du service MOOVICITE qui propose des trajets en taxis adaptés aux personnes en fauteuil roulant, mais malgré les informations données, le service est surbooké. Il est très difficile d’obtenir des trajets… Il mêle tous les handicaps et toutes les demandes (travail, loisirs, etc…) Après quelques courriers et quelques coups de fil, je suis parvenue à avoir quelques trajets fixes dans la semaine. Pour le reste, je me suis entraînée à prendre le bus.

Mais contrairement à ce que les gens valides pensent, prendre le bus n’est pas chose simple en fauteuil roulant, entre les chauffeurs désagréables, les rampes qui ne fonctionnent pas ou les bus qui ne nous prennent pas, les freins sont multiples. Cela est encore plus difficile lorsqu’on est « lâchée » d’un seul coup dans l’inconnu !

Aujourd’hui, les lignes de bus sont en travaux. Mes arrêts habituels n’étant plus desservis et les alternatives proposées, non adaptées, cela a fortement perturbé mon trajet et mon confort de vie que j’avais récemment fini par acquérir. J’ai dû me battre afin de faire en sorte que les acheminements et les arrêts soient rendus accessibles pour moi.

Pour le reste de mes trajets dans mon quotidien, mon compagnon me conduit là où je dois aller, ce qui me permet d’avoir quelques instants de répit.

©Axelle

Vous rendez-vous compte de tout ce que l’on doit faire à chaque changement de vie ? Tout ce que l’on doit anticiper ? Voici pour ma part un résumé global de toutes mes démarches sur plusieurs années :

Maintenant, je vous laisse découvrir le récit de Justine. En raison de l’absence de transports en commun adaptés à son lieu de vie, elle aurait pu aussi envisager de solliciter l’aide de l’AGEFIPH pour utiliser temporairement un taxi adapté. Cependant, afin d’éviter de se retrouver dans une situation difficile à terme en tant qu’alternante, avec seulement une possibilité de demande d’aide financière auprès de l’AGEFIPH, Justine a délibérément fait le choix le plus judicieux : acquérir une voiture aménagée. Derrière ce résultat, aussi surprenant que méritant, se cache un véritable parcours du combattant aussi… en voici la preuve.

Justine, une voiture aménagée pour la liberté

©Justine

Ce que j’ai vécu est inénarrable. Mais je vais tenter, de manière laconique, car il me faudrait écrire un livre pour tout relater, de vous raconter le combat qui s’est avéré être l’un des plus difficiles de toute ma vie : acquérir une voiture aménagée.

Tout comme Axelle, depuis le collège, j’ai bénéficié d’un transport scolaire adapté qui me conduisait sur mon lieu d’études/de travail, mais, comme cette année je suis devenue alternante, mon statut de salarié a induit la fin de la prise en charge dudit transport. Après une âpre négociation avec le Conseil Départemental, ce dernier a accepté de poursuivre la prise en charge de mon transport jusqu’en Mars, date à laquelle j’ai passé mon permis.

S’en est suivi un parcours où les embuches ont fait légion. Je suis partie à la pêche aux informations. J’ai commencé par des recherches sur Internet, puis je me suis rapprochée de personnes qui partageaient le même combat que moi sur leurs réseaux sociaux.

Afin de me rendre sur mon lieu de travail, j’ai donc décidé de passer mon permis et j’ai été contrainte d’acquérir simultanément une voiture aménagée pour la conduite en fauteuil roulant, ceci me permettant d’être davantage autonome dans ma vie professionnelle et personnelle.

Au regard des nombreux aménagements à apporter, et de la récence du dispositif : j’ai dû acquérir un véhicule neuf.

Financements & Aides : un combat sans relâche

Le montant de la voiture avoisinait les 120 000€, et les aides cumulées auxquelles je pouvais prétendre ne compensaient le surcoût lié au handicap qu’à hauteur d’environ 30 000€ (MDPH-AGEFIPH-FDC, Région, etc). La langue française est très riche, pourtant elle ne me permet pas de mettre des mots suffisamment justes sur mes maux, ni de vous expliquer combien les démarches administratives ont été laborieuses pour obtenir ces 30 000€. Le reste à charge était colossal, c’est pourquoi je me suis tournée vers les associations afin d’obtenir une aide financière pour m’offrir cette voiture, sans laquelle je ne pouvais poursuivre mes études et mon insertion professionnelle, ce qui, pour moi, était inenvisageable.

Je n’ai jamais eu pour ambition de vivre de l’Allocation Adulte Handicapé toute ma vie, mais le système m’y avait condamnée. Désireuse de mener une vie semblable à celle d’autrui, j’avais résolument besoin de leur soutien. Au regard de mon handicap, jamais je n’aurais pensé pouvoir, un jour, conduire. A l’ère du tout numérique, et la technologie étant toujours plus performante, tout est possible : même Justine au volant d’une voiture.

J’avais beau investir dans ce projet toutes mes économies, et celles de mes parents ; les économies de toute une vie, ça ne suffisait pas.

Privée du droit de travailler : ma peine était immense, ma frustration infinie. Alors, j’ai fait ce que je sais faire de mieux : me battre. Je me suis battue sans faille, pour obtenir cette voiture. Ma volonté était autant inébranlable qu’indubitable. Et ce sont bien les associations qui ont compté parmi mes armes pour gagner ce nouveau combat.

S’il me reste un seul message à faire passer, c’est « Engagez-vous ». Que vous ayez du temps ou de l’argent à investir, sachez que les associations sont toujours une bonne option. Croyez-moi, parole de quelqu’un qui a beaucoup galéré dans sa vie, on a tous, un jour ou l’autre, besoin d’aide. Cette aide, elle vient bien souvent de la part d’associations qui ne vivent pas sans bénévoles. Engagez-vous, c’est nécessaire, dans mon cas je dirai même que ça a été salvateur.

Une voiture sur-mesure

Parlons maintenant plus en détail de cette voiture, entrons dans la partie plus technique. Ma voiture est une Jeep Renegade, que je conduis grâce à un joystick. Cette voiture a été entièrement aménagée à Bordeaux, où j’ai aussi passé mon permis d’ailleurs. Tout est fait sur-mesure, et je vous invite à vous rapprocher d’ACA Bordeaux si vous souhaitez davantage d’informations, car chaque situation mérite un traitement particulier.

Ma voiture comprend 4 places (3 places assises + 1 pour le fauteuil), je rentre par le coffre grâce à une rampe, et elle reste conductible par tout un chacun. Je peux débrancher le joystick et passer le siège passager à la place du conducteur pour qu’un valide la conduise.

Dernière information importante, assurer un tel véhicule avec un jeune permis a un coût. A
titre informatif, je paye 2 300€ à l’année pour assurer ma voiture tous risques.

©Justine
©Justine
©Justine

Le Permis de conduire : comme les autres ?

Pour revenir sur le permis, une auto-école partenaire d’ACA propose une formation là aussi adaptée. 60h au lieu de 20, mais elles ne sont pas de trop pour bien, prendre en main le système et arriver en confiance le jour du permis face à un examinateur « classique » qui vous jugera comme une personne valide.

J’ai passé mon code en ligne et suis allée voir un médecin agréé par la préfecture qui m’a donné un avis favorable pour 5 ans. Ma maladie étant évolutive, il me faudra repasser une visite médicale une fois la date échue afin de juger de mon aptitude à conduire.

Les délais sont plutôt longs, pour ma part environ 8 mois se sont écoulés entre le moment où j’ai passé mon test d’aptitude à la conduite et où j’ai commandé la voiture et celui où j’ai passé le permis et récupéré cette dernière.

Une prise de risques énorme pour une liberté gagnée !

Je suis 100% autonome, et c’est bien ça que je vous demande de garder à l’esprit. La seule chose que je ne peux faire seule, c’est mettre de l’essence. Cette voiture m’a changé la vie, je découvre la liberté sous une nouvelle saveur, que je ne connaissais pas et… quel bonheur !

Beaucoup vous diront que ce n’est pas raisonnable, la majorité vous dira que c’est impossible, que vous n’y arriverez pas. Boulot, Culot, Bingo !

J’ai signé un bon de commande pour la Jeep en n’ayant sur mon compte que la somme pour payer l’acompte, j’ai passé des nuits entières à rechercher des financements, j’ai envoyé une lettre à près de 400 associations, j’ai pleuré de rage, beaucoup pleuré. Mais des larmes de détresse aux larmes de joie il n’y a qu’un pas.

Merci à tous ceux qui m’ont tendu la main, si vous lisez cet article, je ne vous remercierai jamais assez. A tous les autres : « Tenham Fé », c’est mon secret.

©Justine

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Je suis Axelle, blogueuse passionnée d’aventure. À travers mon blog, je vous emmène dans un voyage unique, explorant le monde en fauteuil roulant avec un regard différent. Entre récits de voyages, conseils et partages inspirants, je vous invite à découvrir l’Aventure sous un nouvel angle. Rejoignez-moi pour explorer ensemble un monde où les limites deviennent des opportunités et où chaque instant est une aventure à part entière.