Dans cet article, je souhaite aborder plusieurs aspects du handicap car être en fauteuil ne signifie pas juste « ne pas marcher ». Je trouve qu’il n’y a pas beaucoup d’articles qui sensibilisent au handicap sur la partie psychologique, alors que c’est pourtant le plus compliqué lorsque l’on y est confronté. Je pense ne pas être la seule à avoir vécu ça et à vivre encore cela. J’ai eu des caps extrêmement douloureux pour lesquels je m’en suis sortie et d’autres pour lesquels, je cherche encore une réponse. J’espère alors que ce partage vous permettra de mieux comprendre cette vision du monde, mais surtout d’apporter des réponses à ceux qui sont encore en recherche.
Le regard sur soi
Je pense que la première étape la plus difficile est d’accepter d’être handicapé à vie. Dans mon cas, la maladie est présente depuis toujours mais a tendance à me faire de mauvaises surprises. En effet, pour une maladie dégénérative comme la mienne, certains caps sont plus ou moins difficile à passer.
A 12 ans, la perte de la marche m’a libérée car elle était pour moi très douloureuse. Bien que je n’ai jamais réellement connue la « vraie marche », je suis contente d’avoir pu goûter à ça. L’arrivée du fauteuil roulant m’a permis d’acquérir de l’autonomie et de ne plus avoir mal.
Bien que cela ne soit pas très « sexy », il m’a aidé à valoriser ma personnalité plutôt que mon physique. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours été très expressive.
Accepter le handicap peut prendre plusieurs mois, plusieurs années voire même toute une vie. Ce qui m’a aidé à l’accepter pleinement, c’est d’oser être dans les foules, oser être au milieu des autres enfants, oser me positionner volontairement devant un public, oser me confronter au monde valide.
Cependant, le fait d’être dans un fauteuil peut impacter la confiance en soi et l’estime de soi. Ce qui est encore parfois mon cas. En effet, lorsque je suis dans une foule ou dans un rapport de force avec une personne lors d’un dialogue un peu corsé, il m’est arrivé de ressentir une sensation d’écrasement et d’infériorité. Même si je sais pertinemment que ce n’est pas vrai. J’ai eu également des difficultés pour accepter mon corps, mais cela ne m’a pas empêché d’assumer pleinement ma féminité.
Le regard des autres
Lorsque le handicap arrive, le challenge est de s’accepter soi, mais aussi d’accepter le regard des autres au même moment.
Un regard, c’est étonnant. Deux regards, c’est drôle. Trois regards, c’est inquiétant. Plus que trois regards c’est malaisant… Un regard qui fixe, c’est déstabilisant tandis que plusieurs regards peuvent être presque traumatisants. Et lorsque cela en devient quotidien, l’analyse commence… Il y a le regard gentil avec un petit sourire, il y a le regard furtif qui fuit par peur de te mettre mal à l’aise, il y a le regard qui se moque, le regard choqué, le regard de pitié, et, pour finir, il y a le regard de la curiosité. Ces regards là sont persistants et très agaçants. Parmi les compatissants, certains peuvent donner la sensation d’être jugé ou critiqué, tandis que d’autres rappellent à quel point tu es différent.
Une lutte pour la compréhension du handicap en société
Un moral qui doit résister
Faire comprendre son handicap et ses visions à ceux qui ne le connaissent pas ou pensent le connaître est très difficile à tolérer. On peut rencontrer de l’impuissance face aux aberrations de l’accessibilité qui n’ont pas été étudiées ou pour des préjugés par exemple.
Pour vous aider à relativiser et à aller de l’avant, je vous recommande de lire mes articles sur le moral à toute épreuve et 10 conseils pour mieux vivre le handicap.
Les limites physiques – La jalousie des compensations
Il est aussi compliqué de faire accepter ses propres limites ou évolutions physiques aux personnes qui ne les acceptent pas ou ne les comprennent pas.
Par exemple…
A l’école, en situation de handicap, nous pouvons bénéficier de tiers-temps lors des contrôles ou du BAC. Ce tiers-temps permet de compenser notre travail afin qu’il puisse être réalisé à la même qualité que les autres. Pour ma part, j’avais des tiers temps car mes mains se fatiguaient rapidement pour écrire. Cet aménagement me permettait d’écrire moins vite et donc de préserver ma main ou de prendre le temps de dicter une personne qui écrivait à ma place (chaque méthode est différente). Cependant, les camarades ne le comprenaient pas et étaient jaloux. Ils le percevaient comme un avantage, et non comme une compensation. Je pense que ce serait intéressant d’expliquer ce cas aux élèves lorsqu’une personne bénéficie d’un tiers-temps.
Je pensais que cette jalousie ne se retrouvait qu’à l’école. Mais, en réalité, elle continue même dans le monde du travail et les lieux publics. Comme par exemple, lorsque l’on passe prioritaire dans les files d’attente.
La dépendance forcée, la fuite des gens
En fauteuil roulant il semble rare d’avoir une autonomie à 100% pour absolument tout. Au début, les gens nous aident volontiers pour certaines actions de la vie quotidienne. Mais ils ont une limite. A un moment, ils peuvent s’éloigner parce qu’ils se lassent de cette dépendance. Ils ne veulent en aucun cas être « responsable de ça » : ils se sentent de plus en plus gênés ou cela semble déjà être un peu « trop » pour eux. Ils sont amenés à fuir le handicap. Il peut être alors difficile de créer des relations durables, même si heureusement, cela existe ! A l’inverse la famille proche ou les amis ne ressentent pas forcément ce « gêne ».
Les comportements et commentaires déplacés
Dans ma vie, j’ai eu énormément de chutes de moral à cause d’une simple phrase ou d’un petit geste maladroit voire même très méchant.
Ci-dessous, je vous en cite quelques-uns :
- Un matin, dans mon contexte professionnel, un touriste me parlait de voyage. A la fin de notre conversation, elle m’a dit » Tétra ? » avec un grand sourire, le doigt pointé sur moi. Pour elle, tout était normal. De mon côté, j’étais en état de choc. Malgré cette maladresse, j’ai fait en sorte de le prendre à la rigolade, comme d’habitude, et de répondre à ses questions envers mon handicap (qui je le rappelle n’a rien à voir avec la tétraplégie). Bien évidemment, je voyais très bien que ce n’était pas de la méchanceté mais ce mot a complètement cassé la conversation centrée sur le voyage ainsi que mon moral… = Selon moi, c’est une maladresse
- Une après-midi, j’ai contacté un hébergement pour savoir s’il était adapté… la personne m’a répondu qu’elle n’était pas non plus un centre d’accueil spécialisé pour les handicapés ». Certaines personnes me répondent très mal au téléphone mais cela ne m’est jamais arrivé en face à face… Comme par hasard, elle a changée de ton lorsque que je lui ai dit que j’étais handicapée. = Selon moi, c’est de la méchanceté non assumée
- Un soir, un serveur m’a dit « allez vous servir au comptoir pour boire un coup » alors que le bar était beaucoup trop haut, surélevé et que tout le monde se tenait debout devant moi… = Selon moi, c’est un manque de professionnalisme
Dans tous les cas, il y a très souvent un manque d’humilité.
A ce genre de commentaires déplacés, se rajoutent l’inaccessibilité des lieux, la dépendance des mobilités (et nos places occupées), la dépendance du mode de vie, les discriminations et les rejets sociaux, les jugements, les soucis administratifs et les justifications perpétuelles, les frais exorbitants pour nos équipements etc… Où se trouvent nos ennuis de santé dans tout ça ?
Une hypervigilance et une hypersensibilité qui se développent
Suite à l’ensemble de ces défis, on accumule des choses que l’on ne devrait pas accumuler. Le handicap a donc tendance à contrôler nos émotions à notre place. On est en colère, on a envie de pleurer… Pour ma part, j’ai développé une hypervigilance et une hypersensibilité, mais je les vois comme des supers pouvoirs qui me permet d’être à mon écoute et à l’écoute des autres !
❤️ Handicapé mais humain avant tout
Pour finir, nous avons tous une sensibilité, même si elle ne s’exprime pas de la même manière d’une personne à une autre. Pour beaucoup de gens, sortir les émotions est néfaste voire même tabou. Cela peut être perçu comme un signe de faiblesse ou une perte de moyens remettant en cause les capacités de la personne à gérer une situation… Cependant, montrer une émotion est humain, selon moi, il est normal de réagir face à quelque chose qui nous atteint. Sortir les émotions permet de régler les choses au fur et à mesure et d’éviter les frustrations.
Je pense que nous ne devons pas culpabiliser si une personne est gêné par notre handicap, ni être trop compréhensif envers certains comportements déplacés. Nous devons être respectés et réellement inclus.